Séminaire Histoire de la construction
Organisé par
Le Laboratoire de Médiévistique Occidentale de Paris (LaMOP) UMR 8589, CNRS – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Le Centre de théorie et analyse du droit (CTAD) UMR 7074, CNRS – Université Paris Nanterre
Le Laboratoire Archéologie et Philologie d’Orient et d’Occident (UMR 8546, ENS-CNRS-EPHE)
et
Le laboratoire Orient & Méditerranée. Textes Archéologie Histoire (UMR 8167, CNRS-Sorbonne Université-Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
avec le soutien de l’EUR Translitteræ.
Mardi 28 janvier 2020
de 10h à 17h
Représentation(s) du chantier
Lieu :
Pavillon de l’Arsenal
21, Bd Morland, 75004 PARIS Métro : Sully-Morland ou Bastille.
10h Introduction parValérie Nègre, Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne – IHMC, UMR 7041
10h15 Claude Vibert-Guigue, UMR 8546, Archéologie et philologie d’Orient et d’Occident Ouvriers et chantiers représentés au Proche-Orient romain, byzantin et omeyyade
11h15 Guy Lambert, École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville (UMR AUSser) La puissance et la précision. Images et imaginaire de la mécanisation des chantiers. XIXe-XXe siècles
12h30-14h Déjeuner
14h Jordi Ballesta et Anne-Céline Callens, Université Jean Monnet, Saint-Étienne (CIEREC), Photographier le chantier : transformation, inachèvement, altération, désordre
15h Luc Pecquet, École nationale supérieure d’architecture de Saint-Etienne, membre de l’Institut des mondes africains Du danger de bâtir. Craintes, peurs et protections sur les chantiers de construction lyela (Burkina Faso).
16h15 Revue de publications récentes sur l’histoire de la construction
Résumés
Claude Vibert-Guigue, ingénieur de recherche à l’UMR 8546, Archéologie et philologie d’Orient et d’Occident, est archéologue spécialisé dans le décor antique. Formé au Centre des peintures murales romaines (CEPMR, CNRS-ENS, Paris et Soissons), il participe dès 1976 à des études de peintures murales et de stucs. La mission franco-tunisienne de Bulla Regia (1977-1979) lui donne la possibilité de publier des décors de maisons et de thermes. Son parcours le conduit à l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient en Jordanie (IFAPO-MAE). Lors d’un séjour (1979-1982), il aborde la question des décors nabatéens à Petra et des tombeaux peints hypogées de la Décapole qui fait l’objet d’un mémoire de maitrise en 1985. De retour en France, il participe à l’enregistrement du bâti dégagé dans la cour Napoléon (fouilles AFAN du Grand Louvre) (1983-1989) et il documente des fours de tuileries et de Bernard Palissy. Lors d’un second séjour en Jordanie (1989-1997), la direction des Antiquités lui confie le relevé des fresques des bains omeyyades de Qusayr ‘Amra, et l’étude d’un réservoir monumental orné d’un décor en basalte faisant appel à la stéréotomie. En France, il soutient une thèse à la Sorbonne sur le décor omeyyade (1997) et entre au CNRS (2001). Il développe un projet exploratoire innovant sur les découvertes de peintures murales en position in situ. De 2004 à 2009 il codirige la mission syro-française chargée de documenter le tombeau des Trois Frères. En 2016, il attire l’attention de la communauté scientifique sur la découverte spectaculaire en Jordanie d’un tombeau peint à Bayt-Ras. A l’initiative d’une aide au Département des Antiquités, il est en charge de la documentation iconographique et épigraphique au sein d’un consortium international.
Ouvriers et chantiers représentés au Proche-Orient romain, byzantin et omeyyade
Construite, rupestre, hypogée ou non, la construction au Proche-Orient présente une complexité d’analyses que favorise une grande diversité de réalisations souvent monumentales. Les conditions de travail relèvent de contextes géographiques variés (colline agricole, steppe omeyyade, montagne du désert nabatéenne, etc.), elles s’adaptent à des matériaux divers (calcaire, basalte, grés, terre, etc.), selon plusieurs destinations d’ouvrages (palatiale, balnéaire, religieuse, etc.), sous l’autorité de différents commanditaires (citoyen, clergé, calife, etc.). Autant de mises en place de milliers d’ouvriers et artisans, bâtisseurs ou décorateurs, auxquels les recherches font face depuis la fin du XIXe siècle. Les représentations d’ouvriers et de chantiers entre le IIe et le VIIIe siècle constituent un thème évident aux mains des peintres et mosaïstes, même si elles nous reviennent au compte-goutte. Tombeaux et synagogues d’époque romaine et bain palatial omeyyade témoignent d’une popularité du thème, voire d’un prestige associé à la notion de destin. La part iconographique donnée aux ouvriers prédomine, par leur activité propre ou par leur rôle dans un chantier, et également par un effet de nombre et par une peine à la tâche. Des outils et attitudes sont privilégiés, des scènes perdurent et des dialogues transcris les rendent parlantes.
Bibliographie
– Eristov H., Vibert-Guigue Cl., As-As’ad, W., Sarkis Nada (directeurs), Le tombeau des Trois Frères. Mission archéologique franco-syrienne 2004-2009, Bibliothèque archéologique et historique 215,2019, 332 p. (dont 106 planches, 950 figures).
– Vibert-Guigue Cl., Bisheh Gh., Imbert F. (contributeur), Les peintures de Qusayr ‘Amra. Un bain omeyyade dans la bâdiya jordanienne, Bibliothèque archéologique et historique 179-Jordanian Archaeology 1, 2007, 226 pages dont 150 planches (38 en couleurs).
– Barbet A. et Vibert-Guigue Cl., Les peintures des nécropoles romaines d’Abila et du Nord de la Jordanie, Bibliothèque archéologique et historique, CXXX : 1988, II, album par Cl. Vibert-Guigue ; 1994, I, texte par Alix Barbet, Cl. Vibert-Guigue (contributeurs Ch. Augé, J. Dentzer-Feydy, P.-L. Gatier, Z. Safar Ismaïl).
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Guy Lambert est maître de conférences à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville (UMR AUSser). Ses recherches portent sur les interactions entre architecture, techniques et société aux XIXe et XXe siècles, sous l’angle de l’histoire culturelle et matérielle. Il a consacré de nombreux articles à la rationalisation des chantiers au XXe siècle, depuis Perret jusqu’à l’industrialisation du bâtiment. Parmi ses publications récentes, il a notamment coordonné Les lieux de l’enseignement technique. XIXe-XXe siècles (Histoire de l’éducation, n° 147), 2017 (avec Stéphane Lembré) ; « Pannes et accidents (XIXe-XXIe siècle) au cœur de l’économie, des techniques et de la société » (Artefact. Techniques, histoire et sciences humaines, n° 11), 2020 (avec Olivier Raveux) et Les architectes et la fonction publique. XIXe-XXIe siècles, Rennes, PUR, à paraître (avec Catherine Bruant et Chantal Callais).
La puissance et la précision. Images et imaginaire de la mécanisation des chantiers. XIXe-XXe siècles
Si le déploiement sur les chantiers d’un machinisme issu de l’industrie est médiatisé dès le XIXe siècle, bientôt suscite-t-il tour à tour un enthousiasme collectif et une rhétorique du « retard » et du « désordre » dont, dit-on, ce secteur souffre plus que d’autres. Aborder les représentations figurées du chantier au filtre de ces représentations mentales revient à apprécier le caractère performatif de ces images qui tout à la fois idéalisent et amplifient l’élan mécaniste et industriel dans le domaine de la construction. Mettant en scène une innovation concrétisée par les engins au travail et par les procédés techniques en cours de mise en œuvre, l’image s’avère toutefois moins « un outil d’attestation du réel » – comme le note Raphaële Bertho – qu’elle ne « participe à la construction d’une fiction moderne », observée ici depuis l’essor de la mécanisation des travaux publics au XIXe siècle jusqu’à l’industrialisation du logement après la Seconde guerre mondiale.
Bibliographie
Guy Lambert, « Travail physique ou force mécanique ? Les fondations à l’air comprimé à l’épreuve des accidents et des avaries techniques à Paris à la fin du XIXe siècle », Artefact. Techniques, histoire et sciences humaines, n° 11, 2020, p. 67-108.
Guy Lambert, « Un ballet mécanique. Images et imaginaires des « révolutions industrielles » du chantier, XIXe-XXe siècles », in Valérie Nègre (dir.), L’art du chantier. Construire et démolir du XVIe au XXIe siècle, Paris/Gand, Cité de l’architecture et du patrimoine/Snoeck, 2018, p. 70-83.
Guy Lambert, « Préfabrication et standardisation chez Perret dans les années 1920. Performance de l’outillage et circulation des savoir-faire », in François Fleury, Laurent Baridon, Antonella Mastrorilli, et al. (dir.), Les temps de la construction. Processus, acteurs, matériaux, Paris, Picard, 2016, p. 849-860.
Guy Lambert, « Les va-et-vient du chantier pendant les Trente Glorieuses. Figures de la mobilité dans l’industrialisation du bâtiment », Colonnes. Archives d’architecture du XXe siècle, n° 28, 2012, p. 66-71.
Guy Lambert, « Les premières réalisations expérimentales du Plan Construction, entre laboratoire et démonstration », Lieux communs, Les cahiers du LAUA, « Espaces témoins », [ENSA Nantes], n° 13, septembre 2010, p. 55-72.
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Jordi Ballesta est chercheur en photographie et géographie, rattaché au CIEREC (Université Jean Monnet) et associé à l’UMR Larca. Il travaille sur la notation photographique, les modes d’enquête dans la photographie documentaire et la notion de vernaculaire. Il a notamment publié, avec Camille Fallet, Notes sur l’asphalte : Une Amérique mobile et précaire 1950-1990, co-dirigé, avec Gilles Tiberghien et Jean-Marc Besse, le n° 30 des Carnets du Paysage, consacré à John Brinckerhoff Jackson, et édité Habiter l’Ouest de J. B. Jackson et Peter Brown, aux éditions Wildproject.
Anne-Céline Callens est Maître de conférences en Sciences de l’art à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne, membre du CIEREC (EA 3068). Elle est l’auteur d’une thèse intitulée Création photographique publicitaire et industrie. Le cas des Éditions Paul-Martial. Elle a été co-commissaire de l’exposition Les Éditions Paul-Martial : la belle publicité (MAMC+, 2014) et commissaire des expositions Regard(s) sur l’industrie (médiathèque de Saint-Étienne, 2015) et Coup de pub : graphisme et publicité en France dans les années 1930 (MAMC+, 2019). Avec Pauline Jurado-Barroso, elle a coordonné l’ouvrage Art, architecture, paysage. À l’époque postindustrielle (Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2015).
Photographier le chantier : transformation, inachèvement, altération, désordre
Nous proposons de revenir sur l’ouvrage Photographier le chantier : transformation, inachèvement, altération, désordre, récemment paru aux éditions Hermann.
Le chantier est un terrain au sein duquel des travaux sont en cours de réalisation. Il constitue une séquence, d’ordinaire transitoire et planifiée, durant laquelle une configuration matérielle succède à une autre. Il est a priori orienté vers un accomplissement. Pour autant, il est des lieux durablement inachevés, désordonnés et altérés qui sont qualifiés par le mot chantier. Depuis son invention, la photographie s’est attachée à représenter les opérations de construction, de réhabilitation, de rénovation, de démolition ou encore d’extraction. Son histoire est aussi jalonnée d’images où l’étroite relation entre le chantier et le fait de faire émerger et de transformer se distend.
À travers divers exemples photographiques, nous questionnerons la polysémie du mot chantier, la polymorphie des sites qu’il qualifie et les différents projets de représentation qu’il motive : artistiques, documentaires, journalistiques, illustratifs, publicitaires, propagandistes.
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Luc Pecquet archéologue devenu ethnologue, est maître de conférence à l’Ensa de Saint-Étienne, membre de l’Institut des mondes africains (CNRS, EPHE, EHESS, IRD, universités Aix-Marseille et Paris I ; Imaf, UMR 8171), et directeur de rédaction du Journal des africanistes. À la croisée de la technologie culturelle et de l’anthropologie religieuse, ses travaux de terrain en pays lyela (Burkina Faso) débutés en 1988 concernent notamment l’habitat (du milieu à l’habitation) et les pratiques divinatoires.
Du danger de bâtir. Craintes, peurs et protections sur les chantiers de construction lyela (Burkina Faso)
En pays lyela (Burkina Faso), le maçon responsable du chantier est dénommé « maître du banco » (i.e. du matériau de construction : terre mélangée à de l’eau), et c’est à ce titre qu’il a pouvoir sur le site et tous ceux qui s’y trouvent. Mais ce pouvoir que lui confère sa position est aussi ce qui le fragilise : il est, plus que tout autre, aux prises avec la puissance du matériau et par là il apparaît vulnérable (l’atteindre magiquement serait alors plus aisé) ; être le maître du banco, c’est aussi être sous son emprise. Bo zum, « le banco est dur, difficile », dit-on volontiers dès lors qu’il est question du chantier de construction et de l’acte de bâtir. Ce leitmotiv, inséparable des propriétés que l’on prête au matériau, auquel on reconnaît par exemple des capacités de discernement et d’action (il peut réagir aux comportements des individus), tiendra lieu de fil directeur à cet exposé, centré sur les peurs, tensions, craintes et protections associées aux chantiers lyela.
Publications liées à la présente intervention
– 2016 « Un interdit des maçons lyela et sa transgression (Burkina Faso) », dans Odile Journet-Diallo (textes réunis par), Comparer les systèmes de pensée. Hommage à la mémoire de Michel Cartry, Systèmes de pensée en Afrique noire 19, 2014, p. 117-145.
– 2004 « The mason and the banco, or raw material as a power for building a lyela house (Burkina Faso) », Paideuma 50, p. 151-171.