Entreprendre dans le bâtiment
Séminaire Histoire de la construction
Entreprendre dans le bâtiment aux époques médiévale, moderne et contemporaine
Oser, risquer, gérer
Lundi 2 juin 2014
10h-17h30
Lieu : Ecole nationale supérieure d’Architecture
Paris-Malaquais,
14 rue Bonaparte 75006, Paris
salle Gertrude Jekyll
Organisé par
Le Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris (LAMOP), UMR 8589, Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne,
Le Centre de théorie et analyse du droit (CTAD) UMR 7074 – CNRS -Université Paris Ouest Nanterre La Défense,
Le Laboratoire Géométrie-Structure-Architecture (GSA), Ecole nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais
10h. | Introduction, Sandrine Victor, maître de conférences à l’Université d’Albi |
10h30 | Fanny Madeline, Fondation Thiers, LAMOPEtre entrepreneur au service du roi d’Angleterre : une mission risquée ? Le cas de Jean de Gloucester |
11h30 | Maxime L’Héritier, maître de conférences en histoire médiévale à l’université Paris 8La gestion de l’approvisionnement en fer sur les grands chantiers de construction à la fin du Moyen Age |
12h30-14h Déjeuner |
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14h | Viviane Fritz, Ecole nationale des ChartesLe rôle de Michel Villedo (v. 1598-1667) et de ses associés dans les grands projets d’urbanisme parisien au Grand siècle. |
14h45 | Valérie Nègre, Professeur à l’ENSA Paris La Villette,Les figures de l’entrepreneur. Inventer et représenter la technique au tournant des XVIIIe et XIXe siècles |
15h30 | Alain Raisonnier, Professeur à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI), retraitéQuelques entrepreneurs de Compiègne dans les chantiers pré-haussmanniens à Paris. |
16h45 | Revue de publications récentes sur l’histoire de la constructionAtelier D’Alleman, Béatrice Gaillard, ENSA Versailles |
Qui était Antoine D’Alleman ?
Résumés et présentation des auteurs
Ce séminaire est issu en grande partie d’un projet initié par Sandrine Victor (Framespa), intitulé « Gérer, oser, risquer : Entreprendre dans le bâtiment au Moyen Age », qui entend explorer des axes de recherche qui stimuleront une approche économique, technique et sociale du secteur.
1. Quels sont les risques techniques pris dans ce secteur ? Quelles audaces, quels paris ont été faits par les bâtisseurs ou par les gestionnaires / commanditaires ? Ces tentatives techniques ont-elles réussi ou échoué et surtout, ont-elles induit des innovations techniques (matériaux, outillage, savoir-faire) ? Cette innovation s’étend-elle à l’administration du chantier ? En somme, le comptable innove-t-il également pour suivre au mieux les flux financiers engendrés par l’œuvre ? Dans ce cadre innovant, se protège-t-on de la faillite ou de l’échec ? Existe-t-il un système d’assurance ?
2. La fabrique est-elle une entreprise ? Le commanditaire, le maître d’œuvre, le gestionnaire sont-ils des entrepreneurs ? De ce fait, il est intéressant de s’interroger sur la prise de risque en termes d’ouverture de marchés, d’association entre artisans, de monopole. Peut-on voir des organisations horizontales ou verticales se mettre en place ? Peut-on parler de stratégie socio-professionnelle dans la course aux chantiers ?
3. Quelle est la chaine entrepreneuriale ? De l’investissement et de l’emprunt éventuel à la réussite ou à la faillite et à l’échec, quelles sont les étapes de cette aventure d’entreprendre dans le bâtiment ?
4. La fixation des prix et des tarifs des prestations ou des matériaux interroge alors. Voit-on des prix d’appel ou des prix « d’amis » : Casse-t-on les prix pour remporter un chantier ? Le gestionnaire fait-il jouer une concurrence ou un réseau ?
5. Quelle est la place des Métiers dans ce contexte ? En régulant main d’œuvre, savoir-faire et prix, jouent-ils un rôle de contrôle et de gestion du secteur ? Par stimulation ou par étouffement ? Négocient-ils, imposent-ils ? Bref, ont-ils une place supra-entreprenariale, peut-on parler de syndicat professionnel ? Et enfin, leur accès aux sphères politiques peut-il être lu comme un lobby ?
6. Enfin, quels réseaux sont induits par ces entreprises du bâtiment ? Ouvre-t-on de nouveaux axes d’échanges de matière première pour importer un nouveau produit, un nouveau savoir-faire, une nouvelle technique ? Va-t-on chercher plus loin des matériaux/outils/compétences à moindre coût ? De ce fait, et basculant dans l’histoire culturelle, ose-t-on importer de nouvelles modes, de nouveaux goûts dans un but d’abord économique ?
Sandrine Victor est maître de conférences d’Histoire médiévale au Centre Universitaire Jean-François Champollion d’Albi. Elle est rattachée à l’UMR 5136 Framespa (France Méridionale Espagne) de Toulouse, et est membre associée de l’EA CRHISM (Centre de Recherches Historiques sur les Sociétés Méditerranéennes) de Perpignan. Sa thèse sur « La construction et les métiers de la construction à Gérone au XVe siècle », sous la direction de Christian Guilleré a été publiée en catalan en 2004 et en français en 2008 aux éditions Méridiennes. Après s’être interrogée sur les experts, puis sur les professionnels, elle oriente désormais ses recherches sur l’entreprise et l’entrepreneur médiéval, dans le monde du bâtiment, mais également au delà, comme le montre les journées internationales qu’elle organise à la Casa Velázquez autour des affaires des bouchers (en collaboration avec Paris VIII et l’université de Lleida) au mois de mai. C’est dans le cadre de cette réflexion qu’elle a proposé sa collaboration au Lamop sur le séminaire « Histoire de la construction », à l’origine de cette journée autour « d’entreprendre dans le bâtiment ». Cette journée de séminaire sera complétée par une autre journée célébrée cette fois à Toulouse en 2015, afin de prolonger réflexions et débats.
Maxime l’Héritier
La gestion de l’approvisionnement en fer sur les grands chantiers de construction à la fin du Moyen Age
Maréchal ou serrurier urbain, propriétaire de grosse forge, les forgerons fournissant les grands entreprises de construction urbaines sont souvent des acteurs extérieurs au chantier. Cette communication s’intéressera à ces acteurs particuliers, notamment à travers l’exemple des chantiers rouennais et troyens, en proposant d’évaluer la stabilité de leurs marchés avec les fabriques et d’analyser les fluctuations de prix à la livre de fer ouvrée entre le milieu du XIVe et le début du XVIe s. On distinguera en particulier la fourniture d’une petite quincaillerie habituelle (gonds, goujons, petites agrafes…) et celle de grosses barres métalliques servant de renfort de construction, dont la forge pouvait représenter un certain défi technique et donc susciter l’ouverture de nouveaux marchés et la gestion du risque d’un travail difficile à exécuter.
Maxime L’Héritier est maître de conférences en histoire médiévale à l’université Paris 8. Il a réalisé une thèse sur « l’usage du fer dans l’architecture gothique » soutenue en 2007. Ses domaines de recherche touchent tant aux aspects techniques et économiques des chantiers de construction qu’à l’étude des productions métallurgiques et de leurs circulations à l’époque médiévale. Il poursuit ses travaux en collaboration avec l’Institut de Recherches sur les Archéomatériaux (CNRS UMR 5060).
Bibliographie récente :
– Disser (A.), Dillmann (Ph.), Bourgain (C.), L’Héritier (M.), Véga (E.), Bauvais (S.), Leroy (M.), « Iron reinforcements in Beauvais and Metz Cathedrals: from bloomery or finery? The use of logistic regression for differentiating smelting processes », Journal of Archaeological Science, 42, 2014, p. 315-333.
– L’Héritier (M.), « De ratione, qua argentum ab ære separari debeat. Approche expérimentale du procédé par liquation et ressuage d’après le livre XI du De Re Metallica » dans Tereygeol (F.), dir., Comprendre les savoir-faire métallurgiques antiques et médiévaux, Paris, Errances, 2013, p. 189-210.
– L’Héritier (M.), Dillmann (Ph.), Timbert (A.), Bernardi (Ph.), « Reinforcement, consolidation or commissioner’s choice. How and why iron armatures were used in gothic construction », dans Carvais (R.), Guillerme (A.), Nègre (V.), Sakarovitch (J.), éds., Nuts & Bolts of Construction History : Culture, Technology and Society, Paris, Picard, 2012, p. 557-564.
– L’Héritier (M.), Dillmann (Ph.), « Fer ou acier ? Caractérisation des alliages ferreux utilisés dans la construction des églises gothiques au Moyen Age et à la période moderne. L’exemple de Troyes et de Rouen. » dans Dillmann (Ph.), Pérez (L.), Verna (C.), dir., L’acier en Europe avant Bessemer, Actes du colloque, Paris 2005, Toulouse, Méridiennes-FRAMESPA-CNRS/Université de Toulouse (ed.) (Histoire et Techniques), 2011, p. 263-281.
– L’Héritier (M.), Dillmann (Ph.), Benoit (P.), « Iron in the building of gothic churches: its role, origins and production using evidence from Rouen and Troyes », Historical Metallurgy, 44 (1), 2010, p. 21-35.
Fanny Madeline
Etre entrepreneur au service du roi d’Angleterre : une mission risquée ? Le cas de Jean de Gloucester
Dans les rouleaux de la monarchie anglaise du milieu du XIIIe siècle, Jean de Gloucester, maçon du roi, apparaît à de nombreuses reprises pour effectuer diverses missions au service d’Henri III (1217-1270). Son rattachement au service du roi se matérialise alors par la possession de terres données par le roi, qu’il tient au titre de sergent, et dont il doit rendre compte annuellement à l’Echiquier, institution à la fois comptable et judiciaire de la monarchie anglaise. Malgré les dons qu’il reçoit en plus pour services rendus, ces revenus ne semblent pas suffire à couvrir les frais de son activité, car Jean de Gloucester apparaît rapidement dans la documentation judiciaire pour dettes. Il apparaît, entre autre, qu’une partie importante de ses dettes sont liées à des chantiers qu’il effectue au service de la royauté, comme en témoigne les comptabilités des travaux du roi à l’abbaye de Westminster, par exemple, ou celles des travaux du pont du château de Gloucester. Il meurt en 1260 en laissant sa femme et son fils dans le dénuement. En reprenant le fil chronologique des différents documents de la monarchie anglaise, il s’agira de comprendre les raisons de la faillite de ce maçon qui occupait pourtant une place importance dans l’administration des travaux du roi. Pour cela, l’enquête consistera à restituer la manière dont Jean de Gloucester a exercé ses fonctions de maçon au service de différentes institutions. On se demandera alors si l’on peut parler d’une gestion entrepreneuriale et dans quelle mesure celle-ci est à l’origine de sa faillite.
Après des études d’histoire à Paris 1 et d’histoire de l’art, spécialité histoire de l’architecture à l’Ecole du Louvre, Fanny Madeline a passé l’agrégation d’histoire et effectué une thèse à Paris 1 sous la direction de Jean-Philippe Genet intitulée: « la politique de construction des Plantagenêts et la formation d’un territoire politique, 1154-1216″ soutenue en 2009. Enseignante dans le secondaire entre 2009 et 2014, elle sera à la rentrée prochaine, pensionnaire de la fondation Thiers pour 3 ans, rattachée au LAMOP.
Dans ses travaux, elle s’est intéressée à certains aspects techniques de la construction, hommes et matériaux, en rapport avec des enjeux de pouvoir. Elle a notamment publié ce thème:
– « Le don de plomb dans le patronage monastique d’Henri II Plantagenêt : usages et conditions de la production du plomb anglais dans la seconde moitié du XIIe siècle », Archéologie Médiévale, n°39, 2009, p. 31-52.
– « La pierre des chantiers royaux en Angleterre fin XIIe – début XIIIe siècle : origines et distribution », Carrières et bâtisseurs de la période préindustrielle. Europe et régions limitrophes, Actes du 134e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, J.-P. Gély et J. Lorenz (dir.), CTHS, 2011, (CTHS-Sciences, 11), p. 207-222.
– « Les formes de l’expertise dans les chantiers royaux en Angleterre aux XIIe et XIIIe siècles : des compétences techniques au service du politique », Actes du 42e congrès de la SHMESP à Oxford, Publications de la Sorbonne, Paris, 2012.
Cet article présente la genèse des figures de l’expertise dans les constructions royales en Angleterre, ses origines sociales et institutionnelles et le développement de ses missions.
– « Can material resources atone for spiritual sins? How much did Henry II pay to gain forgiveness for Thomas Becket’s murder? », After Becket. The Reaction of the Plantagenet World, dir. Paul Webster and Marie-Pierre Gelin, Boydell Press, à paraître en 2014.
Viviane Fritz
Le rôle de Michel Villedo (v. 1598-1667) et de ses associés dans les grands projets d’urbanisme parisien au Grand siècle.
Ces recherches menées principalement à partir de deux affaires qui reviennent dans les débats des échevins et des Maîtres des œuvres jusqu’à la fin du XIXe siècle portent sur les projets du canal périphérique de Paris (années 1635-1658) et sur la perspective des ponts de Neuilly (années 1610-1670)
Quel est le rôle joué par les entrepreneurs dans les grands projets d’urbanisme de leur temps ? Dans quelle mesure cette participation leur permet-elle de conquérir et d’affirmer leur identité juridique, sociale et même culturelle ?
Viviane Fritz est diplômée de l’École nationale des chartes après la soutenance d’une thèse intitulée Michel Villedo (v. 1598-1667) et Cie : entreprise et expertise à Paris, je prépare actuellement les concours des métiers de la conservation du patrimoine dans les spécialités Musées et Monuments historiques / Inventaire à l’École du Louvre.
Bibliographie :
– Michel Villedo (v. 1598-1667), entrepreneur en bâtiment, mémoire de Master 2 de l’Université de Paris-IV Sorbonne, sous la dir. de MM. Claude Mignot et Guillaume Fonkenell, septembre 2012, 2 vol., 328 p.
– L’église de Pantin au XVIIe siècle et son architecte Michel Villedo, dossier réalisé pour les architectes en charge du diagnostic préalable à la restauration de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois de Pantin (Seine-Saint-Denis), novembre 2012, inédit, 45 p.
– Michel Villedo (v. 1598-1667) et Cie : entreprise et expertise à Paris, thèse pour le diplôme d’archiviste-paléographe, ENC, octobre 2013, 2 vol., 750 p. (Résumé en ligne : http://theses.enc.sorbonne.fr/2014/fritz).
– À paraître dans les Documents d’histoire parisienne (coll. dir. par Guy-Michel Leproux) :
« Des fondations aux finitions : les usages du plâtre dans la construction parisienne à l’époque moderne », ~ 16 p.
« Recherches sur le lieu-dit de La Putrière à Montmartre », en collaboration avec M. Denis Prouvost, ~ 10 p.
Valérie Nègre
Les figures de l’entrepreneur. Inventer et représenter la technique au tournant des XVIIIe et XIXe siècles
La communication examine plusieurs figures de l’entrepreneur au tournant des XVIIIe et XIXe siècle, à partir de leur activité inventive et éditoriale. Elle montre que loin d’évoluer dans l’univers cloisonné de leurs métiers et dans un monde exclusivement oral, ces praticiens, favorisés par le développement des médias, participent aux débats techniques, s’adressant aux architectes et aux ingénieurs les plus connus, comme aux savants, aux administrateurs et au public.
Les maîtres de métiers les plus habiles et les experts spécialistes de l’exécution des bâtiments répondent aux demandes de la société et de l’Etat en matière d’économie, de sécurité et de confort, en inventant de nouveaux matériaux et de nouveaux systèmes de construction présentés comme utiles au bien-être de tous et en interpellant leurs contemporains, non seulement par des performances orales et visuelles (expositions, démonstrations dans leurs ateliers), mais aussi par leurs écrits (annonces, gravures, brochures à compte d’auteur).
Valérie Nègre, architecte du patrimoine et historienne, enseigne l’histoire de l’architecture à l’Ecole nationale supérieure d’architecture Paris la Villette. Ses recherches portent sur les interactions entre architecture, technique et société (xviiie-xxe siècles) et en particulier sur la littérature technique, la représentation de la construction et les savoirs artisanaux. Elle a publié plusieurs ouvrages dont L’Ornement en série. Architecture, terre cuite et carton-pierre (2006) et récemment édité avec R. Carvais, A. Guillerme, J. Sakarovitch, à l’issue de deux congrès : Édifice et artifice. Histoires constructives (Paris, Picard, 2010) et Nuts & Bolts of Construction History. Culture, Technology and Society (Paris, Picard, 2012).
Alain Raisonnier
Quelques entrepreneurs de Compiègne dans les chantiers pré-haussmanniens à Paris.
A la fin du XVIIIème siècle, grâce aux libertés nouvelles, les maçons et plâtriers de Compiègne, dont beaucoup avaient participé à la construction du Palais, ont eu l’ambition d’envoyer leurs enfants se former et travailler avec les grands architectes du moment pour construire d’autres beaux monuments : Cyr-Jean Vivenel avec Jacques-Denis Antoine, Antoine Vivenel avec Louis Visconti, Louis Milon et Pierre Sauvage avec Eugène Viollet-le-Duc, …
Leurs mémoires et les chantiers publics ou privés qu’ils ont dirigés, illustrent de multiples aspects de la vie des entreprises de charpente et de construction dans Paris ou aux environs, durant toute la période avant Haussmann : emploi et gestion des ouvriers, vie sociale, vie associative, matériaux de construction, marchés immobiliers, financement des chantiers, contentieux et responsabilités. Quelques exemples de ces chantiers illustres permettent d’éclairer la vie de ces pionniers.
Alain Raisonnier était professeur à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI). Il enseignait la biochimie et la génétique au CHU Pitié-Salpêtrière et était coordonnateur de la Fédération de Génétique de cet hôpital. Depuis sa retraite, il se passionne pour l’histoire. Une conférence sur l’entrepreneur Compiégnois Antoine Vivenel sera publiée dans le tome 65 des « Mémoires de la Fédération des Sociétés de Paris et d’Île de France » vers la fin de la présente année.