RIMs
Rencontres Interdisciplinaires sur les Métaux
9e séance
jeudi 10 octobre 2019 de 13h à 17h45
INHA, 2 rue Vivienne, Paris, Salle André Chastel
Le savoir fer d’une charpente en bois dans les grands édifices médiévaux et modernes belges.
Christophe Maggi (Institut Royal du Patrimoine Artistique, Bruxelles, Belgique)
Charpentes métalliques dans les églises belges (1840-1940) : avènement, évolution et contextualisation.
Romain Wibaut (Département Architectural Engineering de la Vrije Universiteit Brussel & Département Architecture de la faculté Engineering Science de la KU Leuven, Belgique)
Observer, reproduire et réinventer : la couverture en plomb chez Eugène Viollet-le-Duc.
Stéphanie Diane Daussy (Lab. Archéologie et Archéométrie, CNRS UMR 5138, Lyon, France)
Arnaud Timbert (Université Picardie Jules-Verne, TrAme EA 4284, Amiens, France)
Entre corrosion et décors : caractériser les polychromies sur les plombs de couverture.
Aurélia Azéma (Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques, Pôle métal, CRC USR 3224, Champs-sur-Marne, France)
Résumés des interventions
Le savoir « fer » d’une charpente en bois dans les grands édifices médiévaux et modernes belges
Christophe MAGGI – Institut Royal du Patrimoine Artistique (KIK-IRPA), Bruxelles, Belgique
Depuis plusieurs années, les recherches sur le fer dans le patrimoine bâti européen se sont multipliées et la problématique abordée sous les angles historique, archéologique et archéométrique est devenue un foyer d’interdisciplinarité dont les objectifs touchent à la fois à l’architecture et à l’histoire des techniques. Ainsi, aujourd’hui, il est admis que le fer tient une place importante dans la grande famille des matériaux mis en œuvre dans la construction des édifices médiévaux et modernes. Néanmoins, les études se sont, jusqu’il y a peu, essentiellement concentrées sur le fer forgé utilisé dans la maçonnerie et le vitrail.
Le fer en charpenterie est demeuré quant à lui au stade de l’observation occasionnelle, en dehors de toute recherche approfondie.
Ce contexte d’étude alliant le fer au bois présente pourtant un avantage extraordinaire, celui de pouvoir évoluer en condition de chronologie absolue précise. Cette possibilité est donnée par la dendrochronologie, technique de datation dont la précision peut aller jusqu’à la saison près pour déterminer, en dates calendaires, l’abattage d’un arbre utilisé dans une charpente. Ces arbres étant employés verts, soit rapidement après la coupe, leur datation sert directement celle de la charpente qu’ils constituent et donc indirectement celle des éléments métalliques qui s’y rapportent.
Cet environnement de travail offre ainsi de multiples possibilités de recherche. L’étude et la datation systématique des fers de charpente permet d’observer l’usage de ce matériau dans les combles sur une large échelle spatio-temporelle et d’en percevoir le processus évolutif. La mise en parallèle des modifications structurelles des charpentes qui sous-tendent leur évolution avec celles des armatures métalliques (conceptions, machinerie, technique sidérurgique…) donnent autant de clefs pour appréhender cette évolution. Sur le long terme, le recensement des artefacts métalliques dans leurs environnements originels, permet la constitution d’un inventaire typochronologique qui procure déjà un intérêt documentaire à l’étude des charpentes en général et en révèle des pratiques un temps oubliées.
Bibliographie indicative :
BELHOSTE J.-F., 1996. « Fabrication et mise en oeuvre du fer dans la construction. Grandes étapes d’évolution (XIIIe – XIXe siècles) », dans Le fer dans les monuments historiques, Monumental, n° 13, p. 9-17.
CHAPELOT O. et BENOIT P. (dir.), 1985. Pierre et métal dans le bâtiment au Moyen-âge, Paris.
HOFFSUMMER P. (dir), 2011. Les charpentes du XIe au XIXe siècle. Typologie et évolution dans le Grand Ouest de la France, Brepols, Turnhout.
HOLZER M.S. et KÖCK B., 2009. « On the use of iron elements in southern Bavarian roofs of the baroque », Proceedings of the Third international Congress on Construction History, Cottbus, p. 821-828.
HOW Ch., 2018. « The First Wire-Nail machines & their origins », dans Studies in History of Services and Construction, Proceedings of the Fifth Annual Construction History Society (6-8th April 2018), Cambridge, p. 345-356.
MAGGI Ch., 2018. « Le savoir « fer » d’une charpente en bois », dans Patrimoines de fonte, fer et acier. Architectures et ouvrages d’art, FABI, Belgique, p. 202-206.
MAGGI Ch., 2016. « Les armatures métalliques dans les combles médiévaux du sud de la Belgique : la typo-chronologie », dans DUPERROY F. et DESMET Y. (dir.), Les couvertures médiévales : images et techniques, Monuments et Sites 14, Etudes et documents (éd.), Namur, p. 69-77.
MAGGI Ch., PAGÈS G., MERTENS A., HOFFSUMMER P., 2012. « Utilisation et technique de production du fer et du bois dans les charpentes de comble mosanes : premiers jalons d’une évolution du XIIe au XVIIIe siècle », dans ArchéoSciences, n°36, Rennes, p. 95-115.
TAMPONE G., 2002. « Consolidamento delle travi mediante centinatura », dans TAMPONE G., MANNUCCI M. et MACCHIONI N. (dir.), Strutture di legno. Cultura, conservazione, restauros, De Lettera (éd.), Milan, p. 16-23.
TEXIER A., DILLMANN P., L’HÉRITIER M., TIMBERT A. et WELTER J.-M., 2007. Le métal dans l’architecture, Monumental (2007-2), Editions du Patrimoine, p. 90-112.
TIMBERT A. (dir.), 2009. L’homme et la matière. L’emploi du plomb et du fer dans l’architecture gothique, actes du colloque de Noyon des 16 et 17 novembre 2006, A et J. Picard (éd.), Paris.
Charpentes métalliques dans les églises belges (1840-1940) : avènement, évolution et contextualisation
Romain WIBAUT – Département Architectural Engineering de la Vrije Universiteit Brussel, Bruxelles, Belgique & Département Architecture de la faculté Engineering Science de la KU Leuven, Louvain, Belgique
Durant des siècles, le bois fut le seul matériau utilisé dans la construction des charpentes [1]. En Belgique, bien que certains éléments en fer aient progressivement été introduits dans les charpentes depuis le XVe siècle [2], les fermes entièrement métalliques n’apparurent qu’au milieu du XIXe siècle. D’abord en fonte et fer, elles furent, dès la fin de ce siècle, remplacées par des fermes en acier. Une récente étude sur le patrimoine métallique belge a mis en évidence le manque de connaissances relatives aux charpentes métalliques en Belgique par rapport à d’autres pays, tels la France, l’Angleterre ou la Russie [3]. De plus, alors que certains ponts, marchés couverts, gares de chemin de fer et
grands bâtiments publics sont communément reconnus comme des jalons de l’histoire de la construction métallique belge [3, 4], certaines structures moins visibles mériteraient tout autant d’attention. Cet exposé se concentre sur l’avènement et l’évolution des charpentes métalliques dans les églises belges, bâtiments dont les charpentes sont souvent méconnues puisque cachées au-dessus des voûtes.
Dans les années 1840-1860, le pays bénéficiait d’un contexte favorable à l’introduction du métal dans la construction. La Révolution industrielle promut la naissance de nouveaux ateliers spécialisés dans les constructions métalliques et la récente indépendance de l’État belge (1830) stimula le développement intellectuel, notamment architectural. C’est alors que les premières charpentes métalliques firent leur apparition dans des églises [5]. La plus ancienne charpente métallique répertoriée à ce jour est celle de l’église Saint-Joseph à Bruxelles (c. 1845), conçue par l’architecte Tilman-François Suys, ancien élève de François-Joseph Bélanger et Éloi Labarre à Paris, les auteurs respectivement du dôme en fonte de la Halle au blé (1811) et de la charpente en fer de la bourse de Paris (1823). Les fermes de l’église Saint-Joseph présentent diverses caractéristiques héritées de la charpenterie traditionnelle et témoignent donc d’une période de transition durant laquelle les connaissances et pratiques liées aux charpentes en bois furent transposées aux charpentes métalliques. À cette époque, l’absence de solutions standard pour la conception des charpentes métalliques poussa inévitablement à expérimenter de
nouveaux types de fermes. Pourtant, en moins de quinze ans, les fermes entièrement en fer forgé cédèrent la place aux fermes « à la Polonceau » en fonte et fer, dans lesquelles les matériaux étaient utilisés en fonction de leurs propriétés respectives. Ce type de fermes fut le seul représentant des fermes métalliques entre 1850 et 1880. Elles ne cédèrent leur place qu’à l’extrême fin du XIXe siècle aux fermes en acier caractérisées par la mise en œuvre d’un petit nombre de composants préfabriqués par rivetage en atelier.
Cette étude s’inscrit dans le cadre d’une recherche doctorale portant sur les technologies de construction, la contextualisation historique et les enjeux patrimoniaux des charpentes de toiture (en bois, fonte, fer, acier et béton armé) des églises belges des XIXe et XXe siècles. Ce projet de recherche est dirigé par Prof. Ine Wouters (VUB) et Prof. Thomas Coomans (KU Leuven), et est financée par le Fonds voor Wetenschappelijk Onderzoek (FWO G027318N).
Bibliographie indicative :
[1] HOFFSUMMER, P. (dir.) 2009. Roof Frames from the 11th to the 19th Century. Typology and Development in Northern France and in Belgium, Turnhout : Brepols.
[2] MAGGI, C. 2014. Fers et bois dans les combles médievaux et modernes du sud de la Belgique. Contribution à l’histoire de la construction en Europe occidentale, thèse de doctorat inédite, Liège: Université de Liège.
[3] ESPION, B., M. Provost, R. Wibaut, et I. Wouters. 2018. Patrimoines de fonte, fer et acier. Architectures et ouvrages d’art, Bruxelles : FABI.
[4] BAELE, J., et R. De HERDT. 1984. Vrij gedacht in ijzer. Een essay over de architektuur in het industriële tijdperk 1779–1913, Gand : Museum voor Industriële Archeologie en Textiel.
[5] WIBAUT, R., I. WOUTERS et Th. COOMANS. 2019. « Hidden Above Church Vaults : The Design Evolution of Early Iron Roof Trusses in Mid-Nineteenth-Century Belgium », International Journal of Architectural Heritage, doi : 10.1080/15583058.2019.1598517
Observer, reproduire et réinventer : la couverture en plomb chez Eugène Viollet-le- Duc
Stéphanie Diane DAUSSY – ARAR CNRS UMR 5138 et chercheur associé TEMPLA (Institut de Recerca Historica, Universitat de Girona)
Arnaud TIMBERT– Université Picardie Jules-Verne (Amiens), TRAME EA 4284,
Cathédrales de Beauvais, de Chartres, de Paris et de Rouen, abbatiale de Fécamp, palais et châteaux (Bourges, Azay-le-Rideau, etc.), les monuments majeurs, pour des raisons d’étanchéité et de visibilité étaient couverts en plomb. Des travaux récents aux
cathédrales de Beauvais, Clermont-Ferrand… ont favorisé diverses observations (dimension et poids des tables, techniques de mise en œuvre, polychromies, etc.) qui permettent une nouvelle appréciation de ces couvertures comme élément prophylactique
et comme objet de prestige. Toutefois, de cet usage du plomb il ne subsiste que peu de reliquats. Cette réalité nous invite à des études complémentaires, notamment par le biais des chantiers dirigés par Eugène Viollet-le-Duc. Ce dernier a en effet observé quelques pièces médiévales (tables, crêtes et épis de faîtage) à Chartres notamment. Il a ensuite reproduit et par conséquent expérimenté leur mise en œuvre à Notre-Dame de Paris (tables, crêtes, épis de faîtage et flèche), à Notre-Dame de Clermont-Ferrand (tables, crêtes et épis de faîtage), à Notre-Dame d’Amiens (crêtes et épis de faîtage) ou encore au château de Pierrefonds (crêtes et épis de faîtage). À la faveur de ces chantiers il a pu faire des constats matériels (notamment sur le choix des essences de bois) et des constats techniques qui, à la fois, l’éclairèrent sur des savoir-faire médiévaux disparus et sur les moyens de les perfectionner.
Bibliographie indicative :
S. D. DAUSSY, « De l’apport du Dictionnaire raisonné de Viollet-le-Duc à la connaissance de l’ancienne couverture en plomb », Chartres. Construire et restaurer la cathédrale (XIe- XXIe s.), dir. A. TIMBERT, Villeneuve-d’Ascq, Presses Univ. Septentrion, coll. « Architectureet Urbanisme », 2014, p. 335-359.
S. D. DAUSSY, « La couverture en plomb de la cathédrale de Clermont. Mise en œuvre et transmission du geste », Restaurer au XIXe s. (II), Actes de la journée d’études de Clermont-Ferrand, 11 sept. 2013, dir. B. PHALIP et J.-Fr. LUNEAU, Clermont, Presses Univ.
Blaise-Pascal, coll. « Histoires croisées », 2017, p. 39-51.
S. D. DAUSSY, « Quanto cultu auroque Templa fulgerent. Toitures et beauté de la vision comme expression des pouvoirs », Hortus Artium medievalum, vol. 21, 2015, p. 273-283.
A. TIMBERT, « Les couvertures du château de Pierrefonds. Approche technique », Couvertures médiévales : images et technique, Actes du colloque international de Tournai, 22-23 avril 2015, dir. Fr. DUPERROY et P. PAQUET, Tournai, Études et Documents, Monuments et Sites, 14, 2017, p. 269-290.
Entre corrosion et décors : caractériser les polychromies sur les plombs de toiture
Aurélia AZEMA – LRMH – CRC-USR3224
L’usage de la couleur sur les plombs de toiture (couvertures et ornements) est attesté au moins depuis l’époque médiévale. Il a connu son apogée vers le XVIe siècle avant de tomber en désuétude peu à peu, et de finalement ressurgir au XIXe siècle lors des grandes campagnes de restaurations engagées sur les édifices anciens à cette époque. Mais ces éléments, de par leur fonction et leur emplacement, sont directement soumis aux vicissitudes des intempéries ainsi qu’aux divers travaux de remplacement intervenus au cours de l’histoire du monument. Ce qui explique la rareté des témoignages qui ont pu parvenir jusqu’à nous.
Les chantiers de restauration de monuments amènent à découvrir ou redécouvrir de près et avec l’aide de techniques d’analyses multi-échelle, ce que l’on observe habituellement de loin et d’en bas.
De plus, si la transformation du plomb métal en oxyde de plomb II d’aspect gris-blanc est le phénomène de corrosion le plus connus, il apparaît que se développe de plus en plus souvent un oxyde de plomb IV, couleur brun-rouge, donnant l’illusion d’une polychromie apparente et dont les mécanismes de formation sont encore mal compris. C’est pourquoi, la caractérisation de la nature des polychromies, quand elles existent, ainsi que l’identification de leur(s) technique(s) d’application est entravée par leur propre
altération ainsi que celle du support.
En s’appuyant sur différents chantiers pour lesquels le LRMH a été sollicité, nous proposons de réaliser une synthèse des connaissances qui ont pu être collectées sur ce sujet, en mettant en perspective les problématiques rencontrées tant du point de vue de
la caractérisation des surfaces des plombs de toiture que des stratégies mises en places pour la conservation-restauration de ce patrimoine.