Séminaire Histoire de la construction
Lieu : Attention : Changement de lieu
École normale supérieure, 45, rue d’Ulm 75005
Salle F (escalier D, 1er étage)
(en présentiel, zoom sur demande)
Organisé par
Le Centre de théorie et analyse du droit (CTAD) UMR 7074, CNRS – Université Paris Nanterre
Le Laboratoire Archéologie et Philologie d’Orient et d’Occident (UMR 8546, ENS-CNRS-EPHE)
et
Le laboratoire Orient & Méditerranée. Textes Archéologie Histoire (UMR 8167, CNRS-Sorbonne Université-Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
avec le soutien de l’EUR Translitteræ.
Mardi 8 mars 2022
de 10h à 17h
Séance doctorale
« De l’autre côté » : conception, construction et entretien des espaces de transition et de contact
10h Introduction par Marion Jobczyk, Université Paris Lumière
10h15 Romane Desarbre, Université ENS-PSL
Une brèche dans la frontière ? Fenêtre et construction romaine en Campanie
11h00 Marina Covolan, Università degli Studi di Salerno, Centre Jean Bérard
Aux limites des chantiers. Le cas du tuf jaune napolitain à Pompéi
11h45 Alexandra Spühler, Université de Lausanne
De la rue à la demeure : les aménagements reliant espaces public et privé. Le cas de l’insula dite des Chastes Amants (IX, 12) à Pompéi
12h30-14h Déjeuner
14h John Sigmier, University of Pennsylvania/ENS
Monumentalizing and Memorializing a Transitional Space at Sardis.
15h Nicolas Moucheront, Iuav/EHESS et Elisa Puppi, Università Ca’ Foscari
Limites de l’espace public et conflits de voisinage à Venise. L’action des magistratures du Piovego et Proprio et aux abords du Palais Zen (1533-1554).
16h Yehudi Morgana, Université Paris 1
L’entretien des façades de l’Opéra de Paris au XIXe siècle
16h45 Revue de publications récentes par Sarah Vyverman, ENS/Université catholique de Louvain
Résumés
Marion Jobczyk est doctorante à l’Université Paris Lumière. Elle travaille sous la direction de Catherine Saliou (EPHE – Paris 8 UMR 7041) sur les rues à portiques dans le monde romain, entre Rome et Constantinople. Ses recherches s’intéressent à l’histoire sociale de la rue et à l’architecture antique dans les Balkans et en Italie du Nord
Romane Desarbre est étudiante de Master à l’École Normale Supérieure, dans le Master PSL « mondes anciens » et travaille actuellement sur les fenêtres dans l’habitat romain en Campanie sous la direction de Hélène Dessales (CNRS, ENS, AOrOc). Ce travail vise à comprendre les techniques architecturales utilisées par les ingénieurs romains, tout en réfléchissant à la prise en compte de la lumière et du paysage au sein de ce processus. Par ailleurs, elle participe au projet ACoR (Atlas des techniques de la Construction Romaine) en proposant pour le projet des fiches relatives à la construction des fenêtres dans le monde romain.
Une brèche dans la frontière ? Fenêtre et construction romaine en Campanie
Jusque-là mise de côté dans les études sur l’architecture romaine, la fenêtre tient pourtant une place particulière au sein de l’habitat. Sur les sites qui conservent des élévations suffisantes, il est donc possible de s’interroger sur sa place dans l’organisation de la maison. En effet, la fenêtre est avant tout une brèche, un espace dans lequel la paroi s’interrompt, mais où le passage n’est pas permis. Or, cette ouverture sur l’extérieur pose des questions concernant leur statut juridique, leur mise en œuvre constructive mais également leur rôle vis-à-vis des aménités naturelles ou artificielles de l’environnement. Ces interrogations sont néanmoins à nuancer en fonction du contexte urbain ou extra-urbain et du statut social du propriétaire.
Bibliographie sélective
R. Ginouvès, R. Martin, Dictionnaire méthodique de l’architecture grecque et romaine, Rome Athènes, École française de Rome-École française d’Athènes, Collection de l’École française de Rome, 1985.
X. Lafon, Villa Maritima, Recherches sur les villas littorales de l’Italie romaine, Rome, École Française de Rome, 2001.
C. Saliou, Les lois des bâtiments: voisinage et habitat urbain dans l’Empire romain : recherches sur les rapports entre le droit et la construction privée du siècle d’Auguste au siècle de Justinien, Beyrouth, Presses de l’Ifpo, Bibliothèque archéologique et historique, 1994.
M. Tutton, E. Hirst, H. Louw, J. Pearce, Windows: History, Repair and Conservation, Routledge, 2015.
A. Watson, The Digest of Justinian, Philadelphia (Pa.), University of Pennsylvania Press, 1999.
Marina Covolan est docteure de l’Università degli Studi di Salerno et chercheuse associée du Centre Jean Bérard (UAR 3133 – CNRS/EfR). Sa thèse « Tra utilitas, distributio e perpetuitas : l’impiego del tufo giallo napoletano nell’edilizia pompeiana » a été dirigée par le professeur Alfonso Santoriello (Università degli Studi di Salerno) et Hélène Dessales (CNRS, ENS, AOROC). Ce travail de doctorat prend en compte les différents aspects technologiques et économiques de l’emploi d’un lithotype particulier à Pompéi. Ses principales collaborations concernent la fouille de la nécropole septentrionale de Cumes (CJB, UAR 3133 – CNRS/EfR) et la participation à RECAP « Reconstruire après un séisme. Expériences antiques et innovations à Pompéi », un projet dirigé par Hélène Dessales. Elle collabore aussi à l’étude « Artisanat dans l’aire vésuvienne : le cas de la pierre » dirigée par l’architecte G. Chapelin (Institut de Recherche sur l’Architecture Antique, CNRS – UAR 3155) et l’archéologue G. Vincent (Inrap), qui s’intéresse aux supports verticaux présents au premier étage dans les maisons à Pompéi et Herculanum. Elle fait aussi partie du projet « Abellinum » (sous la direction de A. Santoriello), qui s’occupe de la fouille et de l’étude des témoins archéologiques de la ville romaine.
Aux limites des chantiers. Le cas du tuf jaune napolitain à Pompéi
Le Tuf Jaune Napolitain, une roche typique des Champs Phlégréens et de Naples, est une des pierres les plus utilisées dans les constructions historiques de ces lieux. Sa présence à Pompéi est particulière, car il s’agit d’une pierre d’importation et, dans la littérature, elle a toujours été considérée comme un des matériaux qui arrive dans la ville seulement à partir de la période post-sismique. L’étude de sa diffusion dans Pompéi, l’analyse des contextes d’emploi et des éléments structuraux avec du Tuf Jaune Napolitain, a permis de mieux comprendre les dynamiques économiques et constructives à la base de son utilisation dans la ville vésuvienne. Un regard attentif sur les structures où est présent le Tuf Jaune Napolitain et qui se situent « aux marges » des édifices, a conduit à une meilleure compréhension de l’évolution de son utilisation et des liens entre privé et public, entre matériau et techniques de construction et entre statiques des éléments structuraux et vulnérabilité sismique.
Bibliographie sélective
M. Covolan, Giallo Tufo. Cantieri di costruzione e economia del tufo a Pompei, en préparation.
H. Dessales (éd.), Ricostruire dopo un terremoto. Riparazioni antiche a Pompei, Napoli, sous presse.
A. Zaccaria Ruggiu, Spazio privato e spazio pubblico nella città romana, Collection de l’EFR, 210, 1995.
Alexandra Spühler est doctorante en archéologie à l’université de Lausanne sous la direction du prof. Michel Fuchs. Son sujet de thèse porte sur les peintures fragmentaires de la Maison des Peintres au travail à Pompéi. En 2019-2020, dans le cadre d’une bourse de mobilité, elle a séjourné à Paris, au laboratoire Archéologie et Philologie d’Orient et d’Occident sous la supervision d’Hélène Dessales. Depuis 2010, elle travaille au Musée romain d’Avenches en tant que responsable de l’inventaire et de l’étude des peintures murales romaines.
De la rue à la demeure : les aménagements reliant espaces public et privé. Le cas de l’insula dite des Chastes Amants (IX, 12) à Pompéi
Grâce à un partenariat entre le Parco Archeologico di Pompei et l’université de Lausanne signé en 2018, un projet de recherche, dirigé par le prof. Michel Fuchs, a pour objectif de reconstituer des peintures murales recueillies lors des fouilles de l’insula dite « des Chastes Amants » dans la région IX de Pompéi, menées par l’équipe d’Antonio Varone. L’une des maisons du quartier dégagée à la fin des années 1980 sera appelée « Maison des Peintres au travail » en raison de la découverte d’une grande salle en cours d’élaboration au moment de l’éruption du Vésuve. Des milliers de fragments de peintures murales y ont été prélevés et leur analyse conduit à les attribuer à la décoration de plusieurs plafonds et voûtes. Dans le cadre de ce projet, une thèse de doctorat a été lancée en 2021 dont le sujet porte précisément sur l’analyse et la restitution de ces décors fragmentaires ainsi que l’étude de ces revêtements dans leur contexte architectural.
Comprendre l’aménagement des espaces intérieurs afin d’y insérer les peintures implique d’appréhender l’organisation générale de la domus au sein de l’insula. Cette présentation propose de se concentrer sur les aménagements de transition, trottoirs, ouvertures, portiques, permettant de mieux saisir, si cela est possible, l’articulation des différentes constructions de cet îlot.
Bibliographie sélective
H. Dessales, « Du jardin aux jardinières : l’évolution des péristyles domestiques dans l’Italie romaine », in P. Van Ossel, A.-M. Guimier-Sorbets (éd.), Archéologie des jardins : analyse des espaces et méthodes d’approche (Nanterre, 8 janvier 2009), Montagnac, 2014, p. 23-34.
N. Monteix, Les lieux de métier : boutiques et ateliers d’Herculanum, Rome, 2010.
C. Saliou, Les lois des bâtiments : voisinage et habitat urbain dans l’Empire romain : recherches sur les rapports entre le droit et la construction privée du siècle d’Auguste au siècle de Justinien, Beyrouth, 1994.
C. Saliou, « Les trottoirs de Pompéi : une première approche », in BABesch 74, 1999, p. 161-218.
N. Santopuoli, A. Varone, « L’Insula detta dei Casti Amanti », in S. A. Curuni, N. Santopuoli (a cura di), Pompei. Via dell’Abbondanza. Ricerche, restauri e nuove tecnologie, Milano, 2007, p. 73-80.
J. Schoevaert, Les boutiques d’Ostie. L’économie urbaine au quotidien, Ier s. av. J.-C. – Ve s. ap. J.-C., Rome, 2018.
V. Spinazzola, Pompei alla luce degli scavi nuovi di via dell’Abbondanza (anni 1910-1923), Roma, 1953.
A. Varone, « La ricostituzione della copertura del triportico nella Casa dei Pittori al lavoro », in S. A. Curuni, N. Santopuoli (a cura di), Pompei. Via dell’Abbondanza. Ricerche, restauri e nuove tecnologie, Milano, 2007, p. 115-119.
Sur les fouilles de l’insula des Chastes Amants à Pompéi (IX, 12) : A. Varone, « Pompei. Attività dell’Ufficio Scavi », in RStPomp II, 1998, p. 146-148 ; III, 1989, p. 231-238 ; IV, 1990, p. 201-211 ; V, 1991, p. 195-200 ; XXII, 2011, p. 89-91.
John Sigmier est doctorant dans le programme d’art et archéologie du monde méditerranéen à l’Université de Pennsylvanie aux États-Unis. Cette année, il séjourne à l’ENS avec une bourse Fulbright afin d’effectuer des recherches pour la préparation de sa thèse, qui concerne le développement de l’architecture des théâtres romains dans les provinces gauloises. Il travaille aussi comme fouilleur et spécialiste architectural au site de Sardes en Turquie avec le Harvard-Cornell Archaeological Exploration of Sardis depuis 2011.
La monumentalisation et la commémoration d’un espace transitionnel à Sardes / Monumentalizing and Memorializing a Transitional Space at Sardis
Dans le monde romain, l’arc monumental était l’édifice de passage par excellence ; des arcs ont été érigés à des endroits importants dans les villes pour marquer des points de transition dans l’armature urbaine, et ils ont organisé l’expérience urbaine à travers la manipulation de l’espace. En 2014, une porte monumentale de la période romaine a été découverte à Sardes en Asie Mineure, avec la plus grande portée d’une telle arche connue de l’Empire romain. Depuis la découverte, des fouilles et des études ont révélé de nombreuses caractéristiques inhabituelles de cet arc, et ont soulevé des questions sur la façon dont le passé pré-romain a été commémoré par l’architecture à un carrefour important de la ville. En particulier, l’utilisation inhabituelle de matériaux de construction spoliés dans l’arc et son association spatiale avec les portes de Sardes de l’âge du fer indiquent que l’arc a monumentalisé non seulement le point de contact entre les nouveaux et les anciens quartiers, mais aussi entre le passé et le présent de la ville. A cette occasion, je présenterai les premiers résultats des recherches en cours sur ce monument, décrirai une nouvelle méthode photogrammétrique que nous développons pour documenter le monument effondré in situ, et réfléchirai sur le rôle de l’arc en tant que monument de contact spatial et temporel qui a commémoré l’histoire urbaine de Sardes.
Bibliographie sélective
N. Cahill, « Sardis, 2014 », Kazı Sonucları Toplantısı vol. 37.3, 2016, p. 147-164.
U. Quatember, A. Leung, et M. Wörrle, « Ornimythos von Limyra und sein frükaiserzeitlicher Ehrenbogen », Jahresheft des Österreichischen Archäologischen Instituts in Wien, vol. 89, 2020, p. 219-370.
P. Sapirstein, « Accurate measurement with photogrammetry at large sites », Journal of Archaeological Science, vol. 66, 2016, p. 137-145.
F. Yegül, « Memory, Metaphor and Meaning in the Cities of Asia Minor », in E. Fentress (éd.), Romanization and the City : Creation, Transformations, and Failures. JRA Supplement 38, Portsmouth, 2000, p. 133-153.
F. Yegül et D. Favro, Roman Architecture and Urbanism: From the Origins to Late Antiquity. Cambridge: CUP, 2019.
Nicolas Moucheront est doctorant en histoire de l’architecture à l’université Iuav de Venise et à l’EHESS. Après des recherches sur le pont Notre-Dame à Paris et sur l’architecture contemporaine italienne, il travaille actuellement dans le cadre de sa thèse sur les transformations du palais des Doges de Venise à l’époque moderne.
Elisa Puppi est doctorante en histoire de l’art à l’université Ca’ Foscari de Venise. Sa recherche de doctorat cherche à reconstituer le parcours de la famille Zen avec une attention particulière à la culture matérielle et au contexte artistique vénitien du XVIe siècle. Sa recherche s’appuie sur l’étude de la documentation conservée dans les archives privées de la famille.
Le palais Zen et ses abords (1533-63). La médiation des conflits de voisinage par les magistratures vénitiennes
La médiation des conflits de voisinage et le contrôle de l’espace public sont assurés à Venise par deux magistratures d’origine communale : les offices du Proprio et du Piovego. Nous présenterons l’origine de ces deux magistratures, leurs fonctions dans le développement urbain de Venise au Moyen-Âge puis le contrôle qu’elle exercent au XVIe siècle lorsque le bâti se renouvelle.
La reconstruction par un noble de son Palais fait souvent l’objet de conflits : la gestion d’une citerne, les droits de passage, les problèmes d’illumination peuvent être examinés par les juges du Proprio, qui envoient sur place des officiers afin de recueillir des témoignages.
La construction d’une nouvelle façade, qu’elle donne sur un canal ou sur un quai, peut également empiéter sur l’espace public suivant des modalités qui seront analysées. Avant et après les travaux, les mesures réalisées par les officiers du Piovego permettent de s’assurer que les parcelles attenantes ne se sont pas modifiées.
Ces deux procédures seront illustrées par Elisa Puppi à partir du Palais Zen, objet de ses recherches de doctorat. Les archives de la famille conservent une première intervention du Piovego qui permet de dater l’ouverture du chantier en 1533. Des conflits arbitrés par le Proprio se poursuivent ensuite pendant une trentaine d’années. D’un côté de la propriété, un accord à l’amiable surprenant est passé avec l’Ospedaletto dei Crociferi en 1553, de l’autre côté, l’issue judiciaire d’une longue série de plaintes présentées par les voisins reste en 1566 inconnue. Ce dossier permet cependant d’apprécier les nuances qui existent à Venise entre l’espace public, les propriétés privées et un système de cours dépendant des Palais mais néanmoins utilisées par un groupe de riverains dont les magistratures protègent les droits.
Bibliographie sélective
E. Crouzet-Pavan, ‘Sopra le Acque salse’. Espaces pouvoir et société à Venise à la fin du Moyen Âge, Roma, Istituto Storico per il Medio Evo, 1992 réédité sous le titre Le Moyen Âge de Venise. Des eaux salées au miracle de pierre, Paris, Albin Michel, 2015.
S. Moretti, « Le licenze edilizie dei Giudici del Piovego: un approcio complesso alla città del Sei e Settecento » dans S. Zaggia (éd.), Fare la città: salvaguardia e manutenzione urbana a Venezia in età moderna, Milano, Mondadori, 2006, p. 41-70.
C. Passarella, Interessi di parte e logiche del processo : la giustizia civile a Venezia in età moderna, Torino, Giappichelli, 2018.
E. Concina, « Fra Oriente e Occidente: gli Zen, un palazzo e il mito di Tresibonda » in M. Tafuri (éd.), ‘Renovatio urbis’. Venezia nell’età di Andrea Gritti (1523-1538), Roma, Officina, 1984, p. 265-290.
S. Frommel, « Sebastiano Serlio e il palazzo Zen a Venezia » in Annali di architettura, n° 13, 2001, p. 53-70.
L. Galeazzo, Venezia e i margini urbani : l’insula dei Gesuiti in età moderna, Venezia, IVSLA, 2018.
Yehudi Morgana (Université Paris 1)
L’entretien des façades de l’Opéra de Paris au XIXe siècle
« C’est l’architecte qui fait les monuments, c’est le temps qui les parfait ».
Charles Garnier, Lettre au ministre des Travaux publics, 15 mai 1892
Au XVIIIe et au XIXe siècle, les architectes qui construisaient pour l’État étaient généralement chargés de l’entretien des édifices publics qu’ils avaient construits. Cette pratique pose, comme nous allons le voir, des questions spécifiques relatives aux liens que les architectes tissent avec leur œuvre, mais aussi des questions plus générales sur la « culture de l’entretien » au XIXe siècle et sur leur rapport avec les directeurs de ces établissements. Nous nous intéresserons particulièrement au lien et à la façon dont était dirigé l’entretien du nouvel Opéra de Paris ; une charge partagée entre l’architecte du bâtiment et le « directeur-entrepreneur » de l’Opéra.
L’Opéra est un bâtiment immense. Beaucoup de personnes y travaillent. Parmi celles-ci, les personnes chargées de l’édifice lui-même sont nombreuses et employées par diverses administrations. L’État veille sur le bâtiment à travers deux ministères : d’une part, le ministère de tutelle des Bâtiments civils ; de l’autre, le ministère des Beaux-arts qui suit le fonctionnement des théâtres et subventionne l’Opéra. Viennent ensuite la direction privée de l’Opéra, une direction liée au ministère des Beaux-arts, enfin la Ville de Paris et la préfecture de Police, cette dernière étant plus spécialement chargée de la sécurité générale et du respect des règles de sécurité incendie. Ajoutons à ces différents acteurs et institutions les entreprises présentes dans le bâtiment chargées d’exécuter les travaux d’entretien ou surveiller les équipements techniques spécifiques, comme le chauffage ou le réseau d’éclairage au gaz.
Une rapide introduction placera les bases de répartition de l’entretien à travers la loi fondamentale pour ce sujet : la loi sur les réparations locatives. Puis, l’équipe d’architectes chargée de l’entretien sera décrite. Il s’agit de comprendre comment cette équipe était composée et où travaillaient ses membres ; comment était réparti le travail entre Charles Garnier et ses collaborateurs ? Nous examinerons enfin la façon dont Charles Garnier et son équipe ont dirigé pendant 25 ans l’entretien de l’Opéra, à travers notamment l’entretien des façades extérieures de l’édifice. De quelle nature sont les travaux entrepris, quelle est leur fréquence ? L’architecte privilégie-t-il un entretien continu ? Ou opte-t-il pour de grandes campagnes de nettoyage, espacées dans le temps ? Nous verrons que Garnier a laissé de nombreuses réflexions sur le vieillissement des matériaux de construction dans ses écrits et qu’il appliquait ces réflexions (esthétiques et techniques) pour l’entretien de l’Opéra.
Bibliographie sélective
C. Garnier, Le nouvel Opéra de Paris, tome 1, librairie générale d’architecture et des travaux publics, Ducher et Cie, Paris, 1878.
C. Garnier, Le nouvel Opéra de Paris, tome 2, librairie générale d’architecture et des travaux publics, Ducher et Cie, Paris, 1881.
C. Garnier, L.-E. Durandelle (photographies), Le nouvel Opéra de Paris – Peintures décoratives, librairie générale d’architecture et des travaux publics, Ducher et Cie, Paris, 1875.
C. Garnier, L.-E. Durandelle (photographies), Le nouvel Opéra de Paris – Statues décoratives, groupes et bas-reliefs, librairie générale d’architecture et des travaux publics, Ducher et Cie, Paris, 1875.
C. Garnier, L.-E. Durandelle (photographies), Le nouvel Opéra de Paris – Sculpture ornementale, librairie générale d’architecture et des travaux publics, Ducher et Cie, Paris, 1875.
C. Garnier, L.-E. Durandelle (photographies), Le nouvel Opéra de Paris – Bronzes, candélabres, lustres, librairie générale d’architecture et des travaux publics, Ducher et Cie, Paris, 1875.
C. Garnier, Le nouvel Opéra de Paris, tome 1, librairie générale d’architecture et des travaux publics, Ducher et Cie, « table des planches », Paris, 1880.
C. Garnier, Le nouvel Opéra de Paris, tome 2, librairie générale d’architecture et des travaux publics, Ducher et Cie, « tables des planches », Paris, 1880.
C. Garnier, A travers les arts. Causeries et mélanges, librairie de L. Hachette et Cie, Paris, 1869.
A. Le Bègue, Traité des réparations (Loi du Bâtiment), – réparations locatives, gros entretien, réparations usufruitières, grosses réparations, Ducher et Cie, Paris, 1881 (1e éd. 1874).
Madin, Essai sur les Loix des bâtiments, Paris, l’Auteur, 1797.
M. Mostafavi, D. Leatherbarrow, On Weathering – The Life of Buildings in Time, London, Mit Press, 1993.
Sarah Vyverman est doctorante en archéologie à l’ENS et à l’Université catholique de Louvain en Belgique. Sa recherche doctorale, dirigée par Hélène Dessales (CNRS, ENS, AOROC) et par le professeur Marco Cavalieri (UCLouvain, INCAL), porte sur l’étude archéologique, diachronique et topographique d’un complexe architectural du site d’Ostia Antica : l’insula delle Trifore. Depuis 2016, elle fait partie du projet de fouilles de la villa romaine d’Aiano en Toscane (UCLouvain – F.R.S.-FNRS), dirigé par M. Cavalieri.