Séminaire Histoire de la construction

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Organisé par
Le Centre de théorie et analyse du droit
(CTAD) UMR 7074, CNRS – Université Paris Nanterre
Le Laboratoire Archéologie et Philologie
d’Orient et d’Occident (UMR 8546, ENS-CNRS-EPHE)
Le laboratoire Orient & Méditerranée. Textes
Archéologie Histoire (UMR 8167, CNRS-Sorbonne Université-
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
et
L’Université de Lausanne
Mardi 4 mars 2025
de 10h à 17h

10h Introduction

10h15 Pierre Excoffon, Direction de l’Archéologie et du Patrimoine de la Ville de Fréjus, UMR 7299 et Souen Fontaine, Inrap, Direction Scientifique et technique, UMR 7299
Les constructions portuaires à l’époque romaine à la lumière des fouilles récentes de Fossae Marianae (Fos-sur-Mer) et Forum Iulii (Fréjus)

11h15 Anne Nissen, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. UMR 7041, ARSCAN (GAMMA)
Ports et systèmes portuaires en Scandinavie et dans la Mer Baltique durant le premier millénaire.

12h30-14h Déjeuner

14h Stéphane Durand, Avignon Université, Centre Norbert Elias (UMR 8562, Avignon Université, AMU, CNRS)
La construction des digues et des quais aux graus d’Agde et de La Nouvelle au XVIIIe siècle

15h Bruno Marnot, Université de La Rochelle (LIENSs, UMR 7266)
Défis et réalisations du génie civil portuaire en France au XIXe siècle

16h15 Revue de publications récentes sur l’histoire de la construction

Résumés

Pierre Excoffon est directeur de l’Archéologie et du Patrimoine de la ville de Fréjus, ses recherches portent sur la topographie de la ville antique de Fréjus et sur les matériaux et les techniques de construction à l’époque romaine. Il coordonne depuis 2020 un programme de recherche collectif sur le port romain de Fréjus.
Souen Fontaine est docteure en archéologie des mondes anciens d’Aix-Marseille Université. Spécialisée en archéologie maritime, elle s’intéresse aux témoignages des sites de transit, épaves et dépotoirs portuaires, sur les flux commerciaux à la période romaine. Ses travaux s’orientent plus récemment vers les sites portuaires dans leur ensemble et a à cette fin dirigé un programme de recherche archéologique sur le port submergé de Fossae Marianae (Fos-sur-Mer), port maritime d’Arles et de facto porte d’accès méditerranéenne à l’axe Rhône-Saône-Rhin. Elle dirige aujourd’hui le Pôle subaquatique de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives.

Les constructions portuaires à l’époque romaine à la lumière des fouilles récentes de Fossae Marianae (Fos-sur-Mer) et Forum Iulii (Fréjus)

Si le port, dans l’antiquité comme aux périodes plus récentes, doit s’entendre dans toute sa diversité de formes (de la plage aménagée aux ports monumentalisés) et de fonctions (commerciale, militaire, halieutique), la période romaine est le cadre d’un développement considérable de la construction portuaire, tant dans la dynamique d’aménagement du territoire que dans l’ingénierie développée pour bâtir à l’interface terre-eau (construction en caissons secs, utilisation de pouzzolane, etc.). Le développement de ports artificiels de vaste ampleur à l’époque romaine s’intègre dans une suite d’évolution depuis les aménagements grecs et puniques, notamment par l’usage de jetées, môles ou quais délimitant des bassins portuaires protégés. De nouvelles techniques et méthodes de construction des infrastructures portuaires se développent à la fin de la république romaine et au début de l’empire notamment avec la création de brise-lames par enrochement ou plus particulièrement encore par l’usage du béton de pouzzolane et d’un système ingénieux de coffrages en bois. Certaines de ses méthodes et techniques de construction portuaire, dont plusieurs décrites par Vitruve et mises en œuvre au cours des siècles encadrant le changement d’ère dans l’ensemble du monde romain méditerranéen, sont illustrées par les vestiges mis au jour dans les fouilles récentes conduites à Fréjus et à Fos-sur-Mer, deux ports dont l’installation remonte au premier siècle av. J-C. Les apports de ces travaux en cours permettent également d’appréhender l’évolution des infrastructures portuaires dans le temps, aussi bien à des fins fonctionnelles que pour s’adapter à l’évolution naturelle du littoral.

Bibliographie sélective :

EXCOFFON (P.) 2021 : Découvertes récentes à l’extrémité de la jetée méridionale du port romain de Forum Iulii (Fréjus, Var). In : CARRE (M.-B.), EXCOFFON (P.) (DIR.) : Les ports dans l’espace méditerranéen antique. Fréjus et les ports maritimes [actes du 12e Colloque historique de Fréjus, 16-17 novembre 2018], Presses Universitaires de Provence, p. 113-136, 2021, Archéologies méditerranéennes. BiAMA, 30.
EXCOFFON (P.), ARDISSON (S.), BOTTE (.), CARAYON (N.), GAUCHER (G.), LA ROCCA (C.) 2023, Le port de Forum Iulii (Fréjus, Var, France). In : URTEAGA (M.), PIZZO (A.) ((Eds.), Entre Mares. Emplazamiento, infraestructuras y organización de los puertos romanos, « L’ERMA » di BRETSCHNEIDER, Roma-Bristol, p. 241-254, 2023

EXCOFFON (P.), BOTTE (E.), CARAYON (N.) 2024 : Le port romain de Fréjus. Un projet collectif de recherche pluridisciplinaire en cours. Méthodes et premières hypothèses sur la chronologie des aménagements portuaires orientaux et la constitution d’un « bassin portuaire. Archaeonautica, 22, CNRS Editions, Paris, p. 37-44, 2024.
FONTAINE (S.), BARTOLOTTI (F.) 2024 : « La trajectoire du port de Fos, entre racines antiques et enjeux contemporains » In BOUFFIER (S.), ROBERT (S.) – Maritimité(s) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Presses universitaires de Provence, p.81-92, 2024.
FONTAINE (S.), BOREL (L.), EL-AMOURI (M.), MARTY (F.) 20221, « Les pilae du port romain de Fossae Marianae (Fos-sur-Mer, Bouches-du-Rhône). Un cas particulier ». In : CARRE (M.-B.), EXCOFFON (P.)
(DIR.) : Les ports dans l’espace méditerranéen antique. Fréjus et les ports maritimes [actes du 12e Colloque historique de Fréjus, 16-17 novembre 2018], Presses Universitaires de Provence, p. 229-244,
2021, Archéologies méditerranéennes. BiAMA, 30.
FONTAINE (S.), EL-AMOURI (M.), MARTY (F.), ROUSSE (C.)2019 – Fossae Marianae, le système portuaire antique du Golfe de Fos et le canal de Marius : un état des connaissances archéologiques, Dossier de six articles in Revue Archéologique de Narbonnaise, Tome 52, 2019, p. 8-146.


Anne Nissen est professeure en archéologie médiévale à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle est membre de l’UMR 7041, ArScAn, équipe GAMMA. Ses recherches et ses enseignements portent en grande partie sur le haut Moyen Âge et les mondes scandinaves et leurs relations avec les autres régions européennes. La place de la navigation dans l’organisation territoriale par rapport aux sites élitaires ainsi que les lieux et les réseaux d’échanges sont des thématiques centrales dans ses recherches. Elle est membre du comité du suivi du projet international Northern Emporium, URBNET et du groupe de coordination du groupe de travail Construction de la spatialité dans les sociétés anciennes dans le LabEx DynamiTe.

Ports et systèmes portuaires en Scandinavie et dans la Mer Baltique durant le premier millénaire.

La navigation a joué un rôle central dans le développement des réseaux économiques et l’émergence urbaine dans le Nord-Ouest européen. Les Frisons, les principaux acteurs, étaient à la fois navigateurs et marchands. Il est significatif que les textes des VIIe-Xe siècles qualifient les emporia tantôt de vicus tantôt de portus. Plusieurs études reprennent d’ailleurs ce concept en ciblant l’habitat et les activités économiques sans vraiment aborder les installations portuaires stricto sensu. Les impressionnantes jetées de Dorestad sont exceptionnelles, la plupart des ports étaient naturels ou faiblement équipés. Une plage ou une rive à pente douce pouvait accueillir les embarcations légères et à faible tirant, qui restaient au mouillage à moins d’être tirées sur terre. Les emporia ou ports des terres romanisées illustrent bien l’articulation entre les constructions navale et portuaire. Hamwic, Lundenwic et Dorestad se trouvent à proximité des ports antiques et médiévaux, mais leur localisation suggère d’autres préférences topographiques. Dans de nombreux cas, l’identification des ports du haut Moyen Âge s’appuie sur des critères topographiques associés aux diverses activités artisanales ou commerciales et pour les plus importants des traces d’habitat. Les régions scandinaves et baltiques en offrent de nombreux exemples. Les aménagements qui ont protégé et régulé les voies navigables vers les sites portuaires sont mieux attestés. Il serait plus juste de parler de systèmes portuaires en particulier en Scandinavie et autour de la Mer Baltique. L’aménagement de barrages, des épaves coulées volontairement et d’autres dispositifs attestent de la volonté de réguler et protéger l’accès aux ports des lieux d’échanges ou du pouvoir. La fin du premier millénaire marque un tournant, où la construction de quais et de jetées gagne en ampleur. Les bateaux et navires se diversifient et se spécialisent et leur tirant devient plus profond. Ces évolutions impactent les préférences topographiques et la construction des infrastructures portuaires.

Bibliographie sélective :
CRUMLIN, Pedersen (1991), Aspects of Maritime Scandinavia AD 200-1200. Proceedings of the Nordic
Seminar on Martimie Aspects of Archaeology, Roskilde, 13ht-15th March 1989 (Roskilde: Vikingeskibshallen) 288.
HINES, John, Larey, A, and Redknap, Mark (eds.) (2004), Land, Sea and Home. Proceedings of a Conference on Viking-period Settlement at Cardiff, July 2001. (The Society for Medieval Archaeology Monographs, 20: The Society of Medieval Archaeology) 482.
KALMRING, Sven (2010), Der Hafen von Haithabu (Die Ausbrabungen in Haithabu: Wachholtz Verlag Neumünster).
— (2014), ‘Hedeby form the sea-side’, in Søren M. Sindbæk and Athena Trakadas (eds.), The World in the Viking Age (Cursor Mundi; Gylling: The Viking Ship Museum in Roskilde), 221-245.
KALMRING, Sven, HOLMQUIST, Lena, and WENDT, Anja (2021), Birka’s Black Earth Harbour. Archaeological Investigations 2015–2016. Uppland, Adelsö Parish, Björkö, L2017:1568, RAÄ 119:1 (Theses and Papers in Archaeology) 174.
MESSAL, Sebastian, et al. (2015), ‘Die frühmittelalterlichen Emporien im südwestlichen Ostseeraum und ihre Häfen’, in Thomas Schmidts and Martin Marko Vučetić (eds.), Interdisciplinäre Forschungen zu den
Häfen von der Römischen Kaiserzeit bis zum Mittelalter in Europa. Häfen im 1. Millennium AD
(RGZM-Tagungen, 1; Mainz), 265-288.
MUELLER, Christof, WOELZ, Susanne, and KALMRING, Sven (2013), ‘High-Resolution 3D Marine Seismic Investigation of Hedeby Harbour, Germany’, International Journal of Nautical Archaeology, 42 (2), 326-336.
NISSEN, Anne (2020), ‘Dossier 13.B : Déclins ou évolutions fonctionnelles des emporia du haut Moyen Âge ?’, in Lena Sanders, et al. (eds.), Le temps long du peuplement. Concepts et mots-clés (Perspectives Villes et Territoires; Tours: Presses Universitaires François Rabelais), 406-407.
NISSEN JAUBERT, Anne (2005), ‘Lieux de pouvoir et voies navigables dans le sud de la Scandinavie avant 1300’, in Michel Bochacca and Matthieu Tranchant (eds.), Ports maritimes et ports fluviaux au Moyen Age. (Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, 35; Paris: Publications de la Sorbonne), 217-233.
NØRGÅRD JØRGENSEN, Anne (1997), ‘Sea defence in Denmark AD 200-1300’, in Anne Nørgård Jørgensen and Birthe L. Clausen (eds.), Military Aspects of Scandinavian Society in a European Perspective, AD
1-1300 (Studies in Archaeology & History, 2; Copenhague: Nationalmuseet), 200-209.


Stéphane Durand est professeur d’histoire moderne à Avignon Université, membre du Centre Norbert Elias (UMR 8562, Avignon Université, AMU, CNRS) et du RUCHE (Réseau Universitaire des Chercheurs et Chercheuses en Histoire environnementale). Il s’intéresse depuis une vingtaine d’années à l’histoire de l’aménagement du littoral français, appréhendé sous tous ses aspects (gouvernance, financement, techniques de construction, effets environnementaux). Il a co-écrit l’ouvrage de synthèse sur l’histoire des états de Languedoc (Des états dans l’Etat. Les états de Languedoc de la Fronde à la Révolution, Genève, Droz, 2014) et participe à des programmes pluridisciplinaires sur l’évolution des lagunes languedociennes et corses (XVIIIe-XXIe siècles). Ses travaux actuels portent aussi sur l’aménagement des ports du Latium, une autre côte basse de Méditerranée.


La construction des digues et des quais aux graus d’Agde et de La Nouvelle au XVIIIe siècle

À partir, respectivement, de 1698 et de 1704, les graus d’Agde et de La Nouvelle ont fait l’objet de lourdes interventions anthropiques en vue de les stabiliser. Si leurs situations naturelles sont différentes (le grau d’Agde est une embouchure fluviale, celui de La Nouvelle est l’ouverture d’une lagune sur la mer), les conditions de leur aménagement ont été très largement similaires, au point de faire l’objet d’une adjudication simultanée. Ainsi, tout au long du XVIIIe siècle, le roi et ses ingénieurs, les états de Languedoc et leurs inspecteurs se sont continument consacrés à la conduite et au contrôle de chantiers réalisés par des entrepreneurs et des ouvriers recrutés localement.
Pour tous ces acteurs, la construction de digues et de quais a représenté de redoutables défis. Comment bâtir des structures solides et durables sur des fonds sableux et vaseux ? Où trouver les pierres nécessaires pour de tels ouvrages ? Comment réparer et anticiper les destructions des tempêtes ? Peut-on prendre le risque de l’innovation quand des sommes considérables sont en jeu ? L’étude des deux chantiers permet de mettre en évidence des évolutions progressives – mais minimes – en termes de techniques de construction et de contrôle des travaux, la seule rupture majeure tentée en 1784 se soldant par un cuisant échec.

Bibliographie sélective :

DURAND (Stéphane), « L’aménagement des zones portuaires languedociennes aux XVIIe et XVIIIe siècles », Histoire Urbaine, n°45, avril 2016, p. 67-86.
DURAND (Stéphane), « Techniques, technostructure et pouvoirs. Les travaux portuaires en Méditerranée française, XVIIe-XVIIIe siècles », in Sciences, techniques, pouvoirs et sociétés du XVe au XVIIIe siècle. Angleterre, France, Pays-Bas/Provinces-Unies et péninsule italienne, Paris, Sorbonne Université Presses, 2023, p. 109-132.
LARGUIER (Gilbert), « Ports du golfe du Lion à l’époque moderne », in Les ports dans l’Europe méditerranéenne. Trafics et circulation. Images et représentations, XVIe-XXIe siècles, Montpellier, PULM, 2008, p. 175-180.
LLINARES (Sylviane), EGASSE (Benjamin) et DANA (Katherine), dir., De l’estran à la digue. Histoire des aménagements portuaires et littoraux, XVIe-XXe siècle, Rennes, PUR, 2018.

Bruno Marnot est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de La Rochelle. Ancien directeur-adjoint du GIS Histoire et Sciences de la Mer, il est membre du laboratoire pluridisciplinaire Littoral Environnements et Sociétés (LIENSs, UMR 7266). Il travaille depuis une vingtaine d’années sur l’histoire de l’innovation et de l’économie des ports de commerce à l’époque contemporaine.

Défis et réalisations du génie civil portuaire en France au XIXe siècle

Le génie civil en matière de constructions portuaires est né au XIXe siècle, dans le contexte d’un nouvel environnement économique international et d’innovations issues de la révolution industrielle. Celles-ci ont permis de faire sauter un certain nombre de verrous techniques hérités de l’« architecture hydraulique » du XVIIIe siècle et de sa figure majeure, le grand ingénieur Bernard Forest de Bélidor. En France, l’inauguration d’un cours spécialement dédié aux constructions maritimes à l’École des Ponts et Chaussées à la fin des années 1820 constitue la naissance de ce nouvel art de l’ingénieur. Cette formation théorique avait pour ambition de donner aux futurs concepteurs les outils intellectuels pour relever les différents défis relatifs à la construction des diverses infrastructures. De fait, plusieurs innovations de rupture ont permis aux ports de commerce de répondre aux pressions de la nouvelle économie des transports internationaux. Les ports de l’ère contemporaine sont devenus des œuvres d’ingénieur à part entière.

Bibliographie sélective :

BORRUEY, René, Le Port moderne de Marseille, du dock au conteneur, 1844-1974, t. IX, Histoire du commerce et de l’industrie de Marseille, XIXe-XXe siècles, Marseille, CCIM, 1994.
CROGUENNEC, Michel, L’Aménagement du port de Rouen de 1800 à 1940 : contraintes, techniques et stratégies, thèse de doctorat, université de Rouen, dir. Michel Pigenet, 1999.
MARNOT Bruno, Les grands ports de commerce français et la mondialisation au XIXe siècle, Paris, PUPS 2011, 589 p.
PICON, André, « Les travaux maritimes : de l’architecture hydraulique au génie civil », dans J.-L. Bonillo (dir.), Marseille, ville et port, Marseille, Parenthèses, 1992, p. 35-54.